de : Everett everett.changes@live.com
à : Claire lovygirl52@live.com

Claire, l’heure est grave ! Si seulement tu étais toujours avec moi dans ce fichu lycée de San Francisco ! Mais je te comprends, New York, c’est la classe. Manhattan et tout… D’ailleurs, j’attends ton résumé détaillé de stars croisées dans les rues de Soho et sur la 5ème avenue !! Mais là, je ne t’écris pas pour ça, mais pour te raconter mes dernières aventures (ou non-aventures d’ailleurs) avec les boulets du lycée et plus précisément, avec Aidan. Franchement, je ne sais plus quoi penser. J’avais réussi à passer le cap du ‘non je n’aurais pas honte de sortir avec un weirdo et j’assumerais les railleries’ mais un truc carrément hallucinant vient de se passer : il est devenu POPULAIRE !!!!! Là, je sais la tête que tu fais et c’est également celle que j’ai faite hier, lundi donc, lorsqu’il est arrivé avec Jason et Taye (sans compter, Mary, Emma et Claire² qui sont TOUJOURS dans leurs pattes…). Alors là tu vois, je comprends plus rien, je sais qu’il y avait une soirée ce week-end mais bien sûr, nous, on y était pas invité ! Alors comment lui a pu y aller ?! Non mais franchement, j’arrive pas à calculer le truc là ! Alors déjà qu’en étant ce que je suis, une pauvre looseuse aux bonnes notes, j’avais de maigres chances de pouvoir ne serait-ce que de m’imaginer avec lui, là, c’est IMPOSSIBLE ! Pourtant, j’avais réussi à avoir son numéro, c’est même LUI qui me l’avait donné la semaine dernière après la séance dans la bibliothèque ! Donc je sais pas si je dois l’oublier ou essayer de rêver encore un peu, t’en penses quoi ? Et me dis pas de devenir copines avec le gang du gloss irisé parce que ça, c’est carrément hors de question !
Everett.

de : Claire lovygirl52@live.com
à : Everett everett.changes@live.com

Salut brunette !
Là, tu vois, j’en reviens carrément pas de ce que je viens de lire. C’est juste hallucinant que Aidan soit rentré dans leur bande, à moins que… ma sœur m’a raconté qu’il y a trois ans, quand elle était à notre place, les mecs populaires de l’époque avait fait rentrer dans leur groupe un autre mec un peu mis de côté d’habitude. Ils avaient pas pigés pourquoi ils avaient fait ça, parce que enfin tu vois, les populaires, ça se mélange pas quoi… Bon, ma sœur me disait que ce mec était pas trop mal tu vois et du coup, ils se disaient que c’était peut-être histoire de rameuter des filles, ce genre de plan foireux. Et en fait, un mois plus tard, après avoir bien profité du mec, ils l’ont jeté comme un gros déchet du jour au lendemain. C’était juste pour se foutre de la gueule de quelqu’un en fait, pour s’amuser… alors moi tu vois, ça me fait penser à ça surtout qu’à la soirée de fin d’année de l’an dernier, ces mecs là étaient là, ils ont pu raconter à Jason et Taye ce truc et voila, ils font pareil ! Essaie d’enquêter, de demander subtilement à Emma (elle est tellement conne cette fille XD) ! Bon, je dois te laisser, y’a une fille qui m’emmène à Central Park (soit pas trop jalouse, tu sais que je t’aime !). Allez, KISS GIRL, et tiens moi au courant !

journal d'everett stone, extrait du 17 mai 2005, première page
Le lycée, plaie incontournable de toutes les pauvres vies américaines et surtout pour moi, adolescente brune (et donc pas blonde), petite (et donc pas grande), plate (et donc sans poitrine) et seconde de la classe (donc incapable de rigoler niaisement aux blagues stupides des jeunes populaires et beaux gosses de l’école). Chacun son groupe, chacun ses railleries et humiliations, le mien était celui des grosses têtes devant chaque jour se voir renverser sa pile de livres aux abords des casiers... Autant dire que je ne partais pas du bon pied malgré les critères des adultes pour qui j’étais proche de la perfection vu qu’en en prime, je n’avais encore jamais eu de petit-ami à 17 ans et que ça, franchement, c’est carrément une preuve de maturité quoi… Malgré tout, il y avait pourtant un garçon qui occupait plus particulièrement mes pensées (et pas un footballeur comme pour la plupart, j’avais eu vite fait de tirer un trait sur cette catégorie), un membre de la bande des weirdos (en gros, le groupe de ceux qu’on ne peut mettre nulle part), Aidan. Il avait toujours habité dans le même quartier que moi, nous étions allés dans les mêmes écoles d’aussi loin que je m’en souvienne, mais je ne l’avais jamais vraiment remarqué avant qu’il devienne mon binôme en chimie (mesure exceptionnelle, Claire était malade), il y a environ 6 mois.

Étrangement, il était l’un des seuls garçons à savoir équilibrer une équation des plus basiques et il avait cette délicieuse odeur de violette dont je n’ai jamais pu identifier l’origine (oui je suis romantique, et alors ?!). Après ce cours paradisiaque, je n’ai plus pensé qu’à lui et la bonne nouvelle avec la chimie, c’est le compte-rendu. Compte-rendu entraînant donc une rencontre à venir. Du coup, après cette nouvelle entrevue, j’avoue m’être posé des questions concernant sa classification dans la hiérarchie lycéenne : il était pas mal (traduction=beau comme un dieu !!!), intelligent, attentionné et pas du tout adepte de sorcellerie satanique ou autre activité borderline. Il ne faisait pas de sport et ne semblait pas apprécier les blondes peroxydées cependant et j’en ai conclu que son statut venait de là. Après cette seconde rencontre, les rapprochements se sont espacés, à mon grand regret d’ailleurs. Nous nous disions bonjour le matin, quelques conversations comme ça… Et puis, finalement, la grosse surprise, une visite à la bibliothèque durant laquelle nous furent mis en groupe suivi en soirée, d’un NUMÉRO DE TÉLÉPHONE !

Ce numéro, je ne l'ai toujours pas utilisé et heureusement d'ailleurs, vu ce que j'ai vu ce matin! Claire n'en revient également pas, elle pense qu'il se fait avoir et qu'ils s'amusent avec lui. Je ne sais pas, j'ai peur de passer pour une idiote en essayant de le prévenir. Que faire, que faire... La nuit est sensée porter conseil non?! Alors bonne nuit!

Le lendemain, Eve avait décidé de prendre son courage à deux mains et d'appeler Aidan pour lui faire part de son ressenti. Le téléphone, c'était plus sur et en cas de problèmes, moins humiliant. Bon point pour elle, il avait semblé agréablement surpris de l'entendre et c'est avec beaucoup de concentration qu'il l'écouta lui démontrer qu'il faisait peut-être une erreur, qu'il se faisait certainement avoir et qu'elle n'aimerait pas que cela arrive. Malheureusement pour Everett, Aidan lui croyait dur comme fer à ce revirement de situation des plus intriguants et lui fit comprendre qu'elle était tout simplement jalouse. Il raccrocha. Elle pleura. Longtemps. Quasiment toute la nuit. Et puis au petit matin, elle se dit que finalement il n'en valait pas la peine. Ils ne se reparlèrent plus. Aidan se fit renvoyer dans son groupe d'origine avec railleries et rires deux semaines plus tard mais n'alla pas s'excuser pour autant.

Le lycée était maintenant bien loin et comme tous, Everett avait fait du chemin depuis ces années fastidieuses. Ses bonnes notes l’avaient amené à obtenir sans peine son diplôme de fin d’année et à tourner la page aussi rapidement que possible sur le lycée, des années qu’elle aurait souhaité voir s’effacer comme des milliers d’autres jeunes américains. Quelques semaines à peine après la remise des diplômes, les trois-quarts de ses affaires s’étaient retrouvés dans des cartons direction Sacramento, capitale de la Californie. Certes, elle avait été acceptée dans un grand nombre de facultés mais la jeune brune avait choisi la proximité en décidant d’étudier à Sacramento. Le choix des cours, lui, avait été encore plus rapide : le journalisme, décision murement réfléchie depuis des années maintenant, des années à rêver d’un Pulitzer ou d’avoir son nom en couverture.

Grande travailleuse, ses études se déroulèrent sans obstacles. Dotée d’un style d’écriture particulier, ses professeurs ne se privaient jamais d’éloges sur son compte et son avenir semblait donc bien assuré. Sa vie sociale, elle aussi, prit un vrai tournant à l’université. Libérée de toutes conventions sociales, elle pouvait enfin être elle-même, une jeune fille souriante, drôle et amusante. Entourée d’amis et épanouie dans ses études, Everett n’était plus du tout celle que l’on avait pu connaître quelques années auparavant et si ces anciennes connaissances l’avait revu, ils ne l’auraient certainement pas reconnue.

Mais après plusieurs années passées en résidence universitaire, l’envie débordante d’indépendance d’Everett repris le dessus et c’est pour cette raison qu’elle quitta la résidence pour prendre son propre logement, son propre monde. Après quelques recherches, elle se posa finalement dans un superbe deux-pièces de la résidence des Iris, un vrai havre de paix. Du moins, elle le croyait. Après avoir passé une année dans ce nouvel appartement, après avoir obtenu son diplôme de journalisme et être partie à la recherche d’un emploi qui ne semblait pas apparaître, l’impensable se produisit. Ce soir-là, elle était chez elle, tranquillement entrain de regarder la télévision lorsque ses meubles se mirent à trembler et qu’un son assourdissant la fasse trembler. Puis les premiers cris se firent entendre, les pleurs et les sirènes des pompiers. Lorsqu’elle sortit, elle vit l’horreur. Un trou béant et des flammes infernales en plein cœur du bâtiment des Roses. Elle ne comprenait rien mais venait malheureusement de se rendre compte que rien ne serait plus pareil.