Comment ça les oeuvres de Wilde sont inintéressantes ? Mais tu plaisantes j'espère, cet homme-là a comprit toute sa vie !

C'était se risquer à se lier d'amitié avec Aidan, et c'était aussi se risquer à se lancer dans une conversation de "littéraire" avec lui. Celui-ci est passionné de lecture depuis l'âge où il a enfin su retenir l'alphabet. Allant de poésies à romans, en passant par les nouvelles et les bandes-dessinés, rares sont les ouvrages qui ne sont pas passés sous sa main. Ce pêché mignon a bien sûr, fait de lui un homme brillant niveau scolaire. Amassant bonnes notes sur bonnes notes, Aidan fut même considéré comme un weird' au lycée. Evidemment, lui s'en fichait totalement, c'était bien le cadet de ses soucis ! Tant qu'il pouvait continuer à développer sa culture littéraire. Il n'a jamais souffert de ces moqueries, et même au contraire, il se plaît à leur répondre :

Être ou ne pas être ? Telle est la question. Eh bien moi, j'ai la réponse..., dit le capitaine de l'équipe de football américain du lycée d'Aidan, un dénommé Derek, en s'emparant de son bouquin. T'es à ma place, bouffon, alors dégage. Ne pas être, mon vieux, tu piges ?

Je suis étonné de voir que tu connais une réplique d'un des chefs d'oeuvre de la littérature. Moi qui était persuadé de ton incapacité à lire., répondit le concerné d'un ton calme.

Fais pas ton malin et vire de ma place, illico.

C'est très cliché comme tranche de vie. Le grand balèze qui vient embêter celui qui semble être le plus faible, celui qui représente la proie..., répliqua Aidan, en se levant à la hauteur de Derek. Une lueur étrange, menaçante, peuplait ses iris bleus.

Longstorn... ne me chauffe pas., s'énerva le sportif.

Mais que se passe-t-il, lorsque la proie sois-disant faible, ne l'est pas ? Aidan lui asséna alors un violent coup de poing au ventre, faisant plier en deux son adversaire, avant de récupérer son livre. Alors Derek, être ou ne pas être ?


Mademoiselle Stone, vous ferez équipe avec Monsieur Longstorn.

Elle se leva, et se posta face à mon pupitre. Je levai avec toute la paresse du monde un regard vers elle, m'arrachant à ma lecture de Lord of The Ring. Face à mon expression certainement ahuri, elle annonça :

Je suis Everett. Nous sommes binômes.

En toute galanterie, je me levai, moi aussi. Je la dépassai d'une bonne tête, et un demi-sourire apparut alors sur mon visage.

Moi c'est Aidan.

Et c'est comme cela que je la rencontrai. Je ne savais pas, à l'époque, qu'elle occuperait une grande place -si ce n'est pour dire tout- dans mon coeur. Elle était devenue une bonne amie, avec qui le courant passait vraiment bien. Ce n'était pas une de ces blondes pulpeuses mais écervelées que Derek ramenait chaque nuit dans son lit. Au contraire, elle était cultivée et intelligente, gentille et adorable. Et elle au moins, elle lisait. Nous partagions les mêmes avis, et je fus content d'entendre que les types comme Derek, justement, l'agaçaient au plus haut point. Finalement, des personnes normales, ça existait encore.



Aidan ? C'est moi Everett.

Ah Eve ! Je suis content de t'entendre. Comment tu vas ?

Bien..bien. J'ai vu que Derek t'a fait entrer dans sa bande...

Effectivement. C'est génial tu trouves pas ?

...

Eve ?

Aidan, il faut que tu les ignores. Pour eux, ce n'est qu'un jeu ! Ils te lâcheront, ils te trahiront ! Tu n'as pas besoin d'eux ... Crois moi.

...Wouaw. Vraiment, wouaw. Je ne te connaissais pas comme ça, je suis déçu de découvrir une telle facette de ta personnalité. Eve, ils m'ont enfin acceptés ! Est-ce que tu te rends au moins compte de la chance que ça représente ?!

Je viens de te le dire.. Tu n'as vraiment pas besoin d'eux.

Ecoute, viens pas m'énerver là ! J'aurais apprécié que tu viennes me dire bravo ou félicitations... Mais à ce que je vois, non, c'est tout le contraire. T'es qu'une égoïste Everett.

...C'est vraiment ce que tu penses ?

Ouais.

Très bien.


Après cette dispute "tempête" entre Aidan et Everett, aucun des deux jeunes ne se sont reparlés. Un jour, avec l'ignorance total du weirdo devenu populaire, Eve quitta le lycée. Partie vivre à Sacramento, elle ne reviendrait plus jamais à Los Angeles. Bien entendu, Aidan, à son apogée, ne se rendit compte de rien, et continua alors à maltraiter les jugés "moins bien" en compagnie de Derek et sa bande. Lui, qui autrefois se serait rangé du côté des "victimes" pour les soutenir et repousser "les coupables". Il était tout simplement méconaissable, à se comporter ainsi. En somme, il était un bon parti pour Derek. Entretemps, il avait tout confié à ses "nouveaux amis", partant de ses hobbies à ses peurs en passant par ses principes. Tout cela joua contre lui car un jour, comme la belle Eve' l'avait prédit, la bande des populaires ne se gêna pas pour humilier en public le pauvre Aidan, qui tomba bien bas en se rendant compte que son amie avait eu raison, et qu'il aurait dû lui faire confiance. Mais ce n'est pas pour autant qu'il se mit à sa recherche, dans le but de s'excuser et de lui donner raison. Bien au contraire, il souhaitait l'éviter car sa fierté l'empêchait d'admettre que dans toute cette histoire, le seul et l'unique fautif était lui. Redevenu lui même, le vrai Aidan Longstorn, continua ses lectures interminables en compagnie de ses amis, maintenant aussi une moyenne tout à fait respectable, niveau scolaire. Son histoire aurait pu se terminer là.
Vous vous en doutiez, ce n'est pas encore la fin. Après l'incontournable et détesté chapitre du lycée, vient le chapitre de l'Université, et des études supérieures. Obtenant une bourse spéciale pour intégrer l'une des meilleures universités de l'Etat, Aidan ne se doutait pas qu'à la première erreur, il risquerait l'expulsion. Mais bon, heureusement pour lui, trois années tranquilles au cours desquelles il continua dans sa passion pour la lecture (il l'étudie, même), enchaînant aussi relations amicales et amoureuses sur relations, sans penser à Everett, s'écoulèrent avant que l'une des plus grosses erreurs de sa vie ne survienne. En effet, un jour où Derek (qui l'avait suivi jusqu'à l'université) l'avait à nouveau provoqué, durement cette fois-ci et à propos d'un sujet épineux qu'Aidan n'aimait pas aborder, celui-ci riposta. Il usa de toutes ses forces, ce qui suffit à envoyer son rival de toujours à l'hôpital. Et comme sanction pour lui, ce fut l'expulsion. Il avait tenté de se justifier face à la doyenne, pour lui cette université était bien plus qu'un support scolaire. C'était un peu devenu sa maison, sa routine. Elle pût comprendre ce qu'il ressentait, aussi l'envoyât-elle à Sacramento, l'assurant d'une "toute nouvelle vie là bas"; faute de pouvoir le ré-intégrer parmi ses étudiants à cause de ses propres supérieurs. Il n'eut d'autre choix que d'accepter, et il suivit tous les conseils de la doyenne, allant même jusqu'à intégrer la Cité des Fleurs, une résidence tranquille, là où il pourrait suivre le même rythme de vie. Comme prévu, il s'installa dans le bâtiment nommé "Lilas", l'appartement numéro 3A. Une nouvelle année passa, où il sut se montrer calme, et maintenir son sang froid. Jusqu'à quand ?


Jusqu'à ce qu'il aille prendre son courrier un matin. Il quitta le bâtiment qui l'avait recueilli depuis maintenant un an, et se dirigea vers les diverses boîtes aux lettres. Alors qu'il fouillait ses poches dans l'espoir d'y retrouver sa clé, il se stoppa net. Une brunette, pas très grande (même pas du tout...), aux cheveux coiffés longs d'une magnifique couleur, sur la pointe des pieds, en train de tenter de déverouiller sa boîte aux lettres dans un geste quelque peu nerveux. Aidan n'avait jamais pensé à lire les noms des inscrits, autrement il aurait vu et su qu'Everett Stone, son ancienne amie habitait dans le bâtiment voisin du sien depuis très longtemps. Une année qu'ils étaient voisins. Et ils ne se rencontrent que maintenant... Aucun échange n'eut lieu entre eux, excepté le regard qu'ils se lancèrent. Beaucoup de sentiments s'en détachèrent, notamment la surprise et l'étonnement, mais aussi le désagréable sentiment d'un mauvais évènement qui refait surface, le tout teinté de chaleur. Ils ne leur restaient plus qu'à rattraper le temps perdu, bien qu'ils leur faudrait du temps pour s'excuser : l'un, de ne pas avoir eu assez de confiance, l'autre de ne pas être restée ou n'avoir même pas prévenu son ami de son départ soudain. Everett, en tant que tête brûlée fidèle à elle-même, choisit de s'éclipser et Aidan eut juste le temps de tourner la tête pour la voir entrer dans le bâtiment des Iris.
Il faut avouer que cette rencontre troubla beaucoup Aidan, qui se mit à penser à Eve dans les jours qui suivirent. Lui en voulait-elle ? Allait-elle lui pardonner ? Oh et puis zut : c'était à elle de faire le premier pas, et non à lui. C'était toujours la phrase qui venait le tirer de ses pensées. Bizarrement, ce soir là ce ne fut pas cela, mais une odeur de brûler, qui l'attira dans d'autres intérêts que la jeune demoiselle. Il se leva et alla à la baie-vitrée qui séparait le balcon du reste de son appartement. Le ciel était teinté de rouge, sûrement recueillait-il le sang des morts que l'incendie du bâtiment des Roses avait causer ? Ca sonnait poétique. Un sentiment d'angoisse envahit Aidan tandis qu'il assistait à ce spectacle. Mais étrangement, il eut le soulagement de voir qu'au moins, ce n'était pas le bâtiment des Iris qui était en train de brûler. Allez savoir pourquoi.