« Emrys, mon coeur, viens voir maman ! » Emrys n'avait que huit ans lorsque sa mère , Jenna, l'appela de sa voix triste qu'il connaissait si bien. Il l'entendait chaque fois qu'elle et son père venaient de se disputer et qu'elle l'appelait pour dîner par exemple. Il était dans sa chambre, jouant avec ses petites voitures. Il savait déjà ce que sa mère allait lui dire. Il savait que, cette fois, ce n'était pas simplement pour qu'il vienne dîner. C'était tellement inévitable. Mais, le petit garçon descendit les escaliers et se dirigea vers le salon où sa mère l'attendait, les larmes aux yeux. Elle l'installa sur ses genoux. Et lui déposa un léger baiser sur les cheveux. « Je t'aime tellement mon ptit coeur » Em' hocha la tête, il le savait, oui ! Mais ça ne changeait rien à ce qu'elle allait lui dire, rien du tout. « Chéri, ton père et moi... » « Vous allez divorcer ! » Il avait préféré finir la phrase de sa mère, comme si le fait qu'elle ne le dise pas elle-même était une façon pour lui de ne pas l'entendre. Mais, encore une fois, cela ne changeait rien. « Où il est ? » Em' ne pleurait pas. Il se disait que, maintenant, il était l'homme de la maison alors il se devait de ne pas pleurer. Il avait toujours été un petit garçon calme, préférant lire, passion transmise par sa mère, dans sa chambre plutôt qu'aller jouer avec ses copains. Un petit côté solitaire mais avec tellement de joie de vivre aussi. Tout comme sa mère. « Déjà parti » Sa mère était en larmes, alors il n'insista pas. Pourtant, il aurait tellement voulu savoir pourquoi il n'essayait pas d'arranger les choses. Il aurait aimé pouvoir rendre le sourire à sa mère, lui rendre cette étincelle qui scintillait dans ses yeux. Il se souvient que quand il était petit, encore plus petit, son père ne cessait de lui répéter à quel point il aimait sa femme, combien elle était merveilleuse. Et pourtant, il était parti sans même dire au revoir à son unique fils. Enfin, unique, c'est ce qu'il croyait à l'époque.

« M'man, dis moi pourquoi papa est parti ? » C'était quatre ans après le divorce. Il avait douze ans mais il voulait toujours savoir pourquoi il n'avait pas essayé. Il n'avait jamais eu de nouvelles de son père et, vraisemblablement, sa mère ne s'était jamais vraiment remise de cet abandon. Elle travaillait sans relâche dans cette maison d'édition où elle avait un poste à responsabilités à présent, mais elle n'avait jamais connu d'autres hommes. Ce soir là, quand son fils lui avait posé cette question en venant l'embrasser dans son lit, elle s'était assise au bord du lit avant de répondre « Il avait une autre famille. Plus importante que nous. Il avait une maîtresse qu'il voulait épouser après notre divorce et tous les deux ils avaient un enfant, une fille je crois. Lorsqu'il m'a quitté, il m'a dit que cette Winter et leur fille, Katherine, étaient ce qu'il avait eu de plus important dans sa vie. » Jenna savait que c'était une vérité qui ferait mal à son fils mais elle se devait de lui dire. Il ne lui restait plus que lui alors elle ne voulait pas qu'un jour il lui en veuille parce qu'elle ne lui avait pas dit la vérité. Et pour la première fois, elle vit son fils pleurer à cause de cette histoire, de l'abandon de son propre père. Comment un enfant pouvait réagir à l'abandon d'un homme qu'il admirait ? Qu'il prenait pour son héros depuis l'enfance ? Il n'avait pas fini son enfance que son père était déjà parti. Au fond de lui, Emrys avait toujours espéré qu'il reviendrait vers lui. Un jour ou l'autre, du moins. Au début, il pensait que c'était de sa faute, qu'il n'avait pas été un bon fils. Mais, maintenant, il savait que non, il savait que sa seule faute était d'avoir pensé qu'il reviendrait, il se rendait compte qu'à partir de maintenant, cela se jouait entre sa mère et lui. Après avoir entendu la vérité, le jeune garçon fit en sorte d'oublier qu'il avait eu un père un jour même si il avait une telle envie de se venger de ce qu'il leur avait fait, à sa mère et elle. Sa mère, il n'avait que douze ans mais il voulait la protéger de tous. Protecteur, il l'était à un point. Et avec tous ceux qui comptaient. Cela faisait partie de ses traits de caractère ancré en lui.

« Je suis amoureuse de toi Emrys, tu le sais ça ? » Non, il ne le savait pas. Heverleigh. C'était le prénom de la fille qui venait de lui faire cette déclaration. Emrys était devenu un beau jeune homme de dix-sept ans populaire et adulé par les filles. Il n'avait pas vraiment cherché cette popularité mais son talent pour le football américain l'avait propulsé à la tête de l'équipe dès son arrivée au lycée. Et il faisait partie de ces jeunes hommes mystérieux, qui ne se livraient jamais et qui, par conséquent, suscitaient de l'intérêt sans le vouloir. Pour Emrys, tout ce qui comptait, c'était sa mère. Évidemment, il avait des amis mais il avait tellement de mal à accorder sa confiance que ses amis proches se comptaient sur les doigts d'une main. « Hever', ne prétends pas être amoureuse de moi quand tu te tapes la moitié de l'équipe dans mon dos. » Le jeune homme n'était pas stupide, il voyait ce qu'il se passait autour de lui. Il avait été dur dans ce qu'il venait de dire mais il savait que c'était la vérité. Pourtant, deux mois plus tard, lorsque la jeune femme revint vers lui, il l'accepta. Il se dit qu'il lui devait une seconde chance puisqu'elle était revenue. Pas comme son père. Et apparemment, il avait eu raison de la faire revenir dans sa vie car elle lui resta fidèle après ça. « Je t'aime » C'était la première fois qu'il le disait à une autre personne que Jenna. Et, en fait, ce fut la dernière fois qu'il le dit. Il avait décidé de ne plus éprouver ce sentiment à la seconde où il surprit Heverleigh dans les bras d'un de ses amis. Il se sentit une nouvelle fois trahi. Pourtant, il avait donné une seconde chance. A quoi bon accorder cela ? C'était ce qu'il s'était dit après ce nouvel affront. Mais Emrys n'était pas du genre à se laisser abattre alors il continuait sa route, sa passion pour les livres, son talent pour le football. Pour lui, tout était normal.

« Emrys, mon coeur, viens voir ma maman. » Il avait déjà entendu ça et la première fois, ce n'était pas une bonne nouvelle. Il savait d'ailleurs au son de sa voix que ce ne serait pas une bonne nouvelle. Encore une fois. Mais que pouvait-elle lui annoncer de pire que l'abandon d'un père. Emrys venait de fêter ses dix-neuf ans. Il avait fait son entrée à la fac' dans des études de lettres afin de devenir éditeur, tout comme sa mère. Il avait toujours aimé lire, c'était le seul moyen qu'il trouvait pour se libérer l'esprit. Outre le football mais il n'avait jamais souhaité en faire sa carrière. Contrairement à l'édition, pour suivre les traces de sa mère. Pour réussir leur rêve, ouvrir une boite d'édition à leur nom. Soit, il laissa tomber le cours qu'il était en train d'apprendre pour rejoindre sa mère dans le salon. « Tu auras du mal à m'installer sur tes genoux cette fois » avait-il dit en voulant détendre l'atmosphère. Sa mère eut un faible sourire puis tapota le sofa à côté d'elle pour l'inviter à s'assoir à cet endroit ce que le jeune homme fit. « Emrys, je... j'ai un cancer. Et, il n'y a rien que les médecins puissent faire pour me soigner. » Cette annonce fit l'effet d'une bombe dans la tête d'Emrys, dévastant tout sur son passage. Qu'allait-il faire sans elle ? Il chercha sur Internet, dans les livres, dans tout ce qu'il trouvait si il n'y avait vraiment aucun moyen de la soigner. Elle ne pouvait pas abandonner, elle ne pouvait L'abandonner. Pas elle ! Malheureusement, il ne pouvait rien y faire. Un an après qu'elle lui ait avoué son cancer, Jenna mourut. Emrys avait attendu d'assister à son enterrement puis il quitta la ville. Pourtant, il avait aimé cette ville, New York. Sa ville natale. Mais il décida qu'il ne pouvait pas continuer. Alors, il décida de partir à l'autre bout du pays. Là où il ne connaîtrait personne. Ou presque. Quelques jours avant sa décision de partir à Sacramento, il avait découvert que son père était parti vivre à Stockton, non loin de Sacramento. C'est ce qui l'avait poussé à choisir Sacramento. Son désir de vengeance. Il avait trouvé un appartement dans ce qu'ils appelaient la résidence des Iris. Mais, s'étant inscrit à l'université pour finir ses études, il n'avait pas d'autre argent que ce que lui avait laissé sa mère en mourant. Il déposa donc une annonce pour trouver un ou une colocataire. « J'appelle pour l'annonce, je m'appelle Bonnie Jones-Dickers » Deux jours après, cette Bonnie s'installa. Une complicité sans faille se noua entre eux. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas ressenti un tel sentiment de bien-être avec une personne. Elle était rapidement devenue sa meilleure amie, sa seule attache sérieuse. Et puis, un an et demi après, elle était partie habitée en face, chez son petit-ami Lionel. Et soit dit en passant, Emrys n'avait jamais apprécié Lionel. Il ne savait même pas pourquoi. Son instinct protecteur lui disait qu'il lui ferait du mal. Je dois vous avouer que pour ma part, je pencherais plutôt pour de la jalousie. Soit...

« C'est rien, je viens juste d'apprendre que j'étais enceinte et... » « Tu es enceinte ? Mais Bonnie, c'est génial ! Qu'est-ce qui cloche dans le fait que tu vas devenir mère ? » « Rien, c'est juste que Lionel part pour l'Australie subitement parce que je lui dis que je suis enceinte ! » Et voilà, Emrys savait qu'un jour ou l'autre, il allait la décevoir. Mais, cet idiot ne put répondre qu'une seule chose. « Oh ! » Oui, pas très malin, je vous l'accorde. Mais, franchement, ils n'eurent pas le temps de s'épancher là-dessus car une explosion retentit. Par réflexe, Em' se coucha de suite sur sa meilleure amie afin de la protéger puis il l'aida à sortir de l'immeuble. Il empêcha Bonnie d'y retourner pour aller chercher Lionel qui était resté dedans. On lui apprit plus tard qu'il n'avait pas survécu. « Viens avec moi ! » Depuis ce jour, Bonnie s'est ré-installée chez Emrys. Il faisait tout son possible pour la protéger, et la soutenir. En outre, le jeune homme venait de finir ses études et travaillait à présent dans une grande maison d'édition. D'après son patron, il était un jeune homme très prometteur. Un jeune homme très prometteur qui gardait en lui tellement de souffrance. Mais il ne souhaitait pas les dire à sa meilleure amie, sachant l'épreuve qu'elle vivait à présent. Il préférait garder tout ça pour lui, comme il l'avait toujours fait.